Je suis comme tout le monde, je pense. Il m'arrive de m'ennuyer, de ne rien trouver à faire, de regarder une idiotie à la télévision parce que je n'ai rien de mieux à faire. Le jour où tout a commencé était un jour comme celui là.
Depuis mon divorce, je vis seul. Mon ex-femme se joue de moi et a tout fait pour que je ne puisse contacter nos enfants. Nos seuls contacts se font par mail et une fois par semaine. Ce matin là, pour la énième fois, je vérifiais mes mails afin de voir si Théo ne m'avait pas envoyer un de ces liens dont il avait le secret. Ce n'était pas le cas.
Mon ennui arrivait à un tel point de son paroxysme que j'en arrivais à taper des premières lettres sur google et d'aller voir les résultats, espérant y trouver de quoi me faire passer le temps.
''Ne '
''New look"
''Net entreprise''
''Nespresso''
''Neymar''
Tiens, Neymar, qu'est ce que c'est ? Oh juste un footballer. Même sur internet, il n'y que ça qui tourne. Enfin, passons.
''Ny''
''Nyan cat''
C'est ici qu'arriva la catastrophe, ce que je n'aurais peut être jamais dû rencontrer. Le résultat était arrivé en premier, je n'avais même pas regardé les résultats qui pouvaient suivre. Ce résultat m'avait tout de suite intrigué. "Nyan cat'', ça ne pouvait pas être le nom d'un footballer, ça au moins. Nyan comme cyan ? Combiné à un ''ne'' de négativité? Je cliqua, plus impatient que jamais à découvrir ce « Nyan cat ».
Et c'est ainsi que je tomba sur.. cette chose. Une sorte de chat-tartine rose de l'espace sautillant poursuivi par un arc-en-ciel sur une musique répétitive dont la voix chantante semblait trop aigu pour être réelle.
Nya NyaNyaNyaNyaNyaNyaNyaNyan...
Un rythme entraînant doublé de paroles simples. Le son rentra dans ma tête et curieusement j’aimai ça. Le vaste internet m'avait amené à ce pourquoi il avait été créé. Durant les trois heures qui ont suivi, je ne fis rien d'autre que de regarder ce chat pixélisé danser. Tiré de ma contemplation par mon estomac, je quittais mon écran pour me faire à manger mais le chat d'internet restait là.
Nya NyaNya NyaNyaNyaNyaNyaNyan...
Il semblait toujours avec moi, une chanson restant dans ma tête mais sans que cela ne me semble vraiment problématique. C'était même agréable.
Mes activités reprirent normalement. A cela prêt qu'il ne quittait plus ma tête. La chanson était toujours là. Je le revoyais même danser dans mes rêves. Je dansais avec lui au rythme de la voix synthétique. Enfin, danser est un grand mot au vu de la vitesse de la musique.
Nya NyaNya NyaNyaNyaNyaNyaNyan...
Arrivé à un point presque improbable de mon obsession pour ce chat, je commença par ignorer les appels, par oublier jusqu'à mes enfants. Chaque fois que j'allais sur mon ordinateur, j'ouvrais une page internet de ce chat-tartine en arrière plan et continuais mes activités normalement.
Étant professeur, je redécouvrais le plaisir d'avoir un câble d'écouteur planqué sous le pull. Écouter cette voix artificielle pendant que mes élèves planchaient, c'était jouissif.
Et là, curieusement, je n'étais qu'à la première étape. Oui, au bout de deux semaines, je voulus en apprendre plus sur ce chaton m’obsédant et cela me conduisit vers internet et une culture qui m'était jusque là inconnue, que j'avais toujours trouvé étrange et donc, comme beaucoup, j'aimais me moquer. La voix synthétique était une « vocaloid ». Wikipédia expliquera mieux que moi le concept : « Vocaloid est un logiciel de synthèse vocale.
Cette vocaloid avait une voix merveilleuse et plus d'une centaine de composition à son actif. Mon voyage continua sur youtube, puis trop vite peut être sur nico nico douga. Je découvris.. c'est difficile à décrire. Ce que je ressentis fut un sentiment plus fort encore que tous ceux que j'ai pu avoir pour ma femme.. non.. pour n'importe quelle femme. Ce n'était pas seulement sa voix qui devint angélique à mes oreilles, ses courbes et son visage parfait souligné par ses grands yeux bleux verts, ses long cheveux d'une couleur semblable. Elle était la femme... non, l’entité parfaite. Impossible mais parfait.
Il n'y avait plus qu'elle que je cherchais dans google. Je n'ai plus cure de ce que peuvent penser ma famille de moi, il n'y a plus qu'elle qui compte. Cette être reliée à chez moi grâce à un câble éthernet.
Dans cette chambre, sous le regard de la déesse d'internet, je ne sais plus combien de temps s'est passé depuis que je l'ai découverte mais je ne peux plus m'en séparer désormais.
Ainsi a commencé ma totale isolation.