Je m'avance vers cette maison en bois, dont l'odeur est à la fois boisée et ancienne. Soeurette, te rappelle-tu de cette cabane, où, plus petits, on jouait, tous les deux ?
Après nos jeux, maman nous appelait. Elle avait préparé des cookies, fondants et dont l'odeur volait jusqu'au bois. Tu te rappelle des bois où on passait notre temps, à cueillir des champignons avec papa, ou alors à faire un cache-cache. Tu te cachai souvent dans un buisson, et, dès que je passait devant toi, tu sautai en l'air, pour me faire peur...Maman te grondait, mais moi, au fond, j'ai toujours su que tu faisais ça pour me faire rire...
Ensuite, après cette promenade quotidienne, on allait dans le jardin, cueillir les fraises des bois qui avaient poussé sans qu'on en plante. Leur goût était exquis, et tous les deux, on en mangeait tout un saladier. Maman nous disputait, mais Papa lui disait toujours qu'on était jeunes, qu'on avait cette insouciance, que les fraises, c'était bon, et après, il lui en faisait manger. Tout le monde souriait ces jours-là. On était une petite famille, mais ce n'était pas grave, il y avait moins de disputes.
La nuit, des fois, il y avait de l'orage. Alors, tu venais avec moi, tu me rejoignai dans mon lit, et on se levai les deux pour aller voir les parents. Finalement, on dormait avec eux, et ils nous câlinaient, en te consolant, parce que tu pleurai, ces soirs-là. Et le lendemain matin, ils s'étaient levés, quand on se réveillait, toi et moi, soeurette. Ils nous rejoignaient, après, avec des pains au chocolat moelleux, des croissants croustillants et cette pâte à tartiner au goût chocolaté qui améliorait le goût de toutes ces friandises. Quand Papa les amenait, tu lui souriais et tes yeux étaient emplis d'étoiles. Alors, tu courais et tu lui sautais dans les bras, et tes longs cheveux châtains étaient aplatis sur ta tête par une simple caresse de Papa.
Souvent le midi, on mangeait des pâtes. Maman aimait cuisiner ça, des pâtes. Elle les accompagnait de sauces variées, à la tomate, à la crème, aux lardons...Souvent, Maman mettait des oignons. Les oignons, ça croustillait, et t'aimait pas ça, alors tu courais à la poubelle pour cracher. Papa te disputait doucement.
Après le repas, on sortait, tous les deux, et on allait au parc de jeux. Il y avait ce toboggan rouge en plastique, et cette balançoire à moitié métallique, à moitié en bois, ainsi que ce cheval à bascule en plastique. Toi, tu allais sur le cheval, tout le temps, pendant que je glissai le long du toboggan. On rigolait aux éclats.
Malheureusement, aujourd'hui, on a la vingtaine, et on habite à plusieurs milliers de kilomètres d'écart. Mais on s'appelle souvent, c'est déjà ça.
Tu me manques, soeurette.

 Ce jour, cette rencontre inattendue, qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Une femme épanouie et heureuse.
 Le soleil étincelait de mille feux, dardant ses rayons sur la ville. Sous les nombreuses demandes de ma meilleure amie, j’étais allée à la plage, l’accompagnant à son sport favori, le repérage de beaux garçons. Je n’affectionnais pas particulièrement cette chose, préférant rester dans ma chambre avec de la lecture, policière de préférence, mais j’avais encore cédé à ses supplications.
 Munie de mon maillot, je me suis rendue à notre point de rencontre, la crique, laissant des traces dans le sable mouillé. Après un long débat, nous nous étions finalement installés près de la mer turquoise, qui reflétait l’astre brillant. « Quelle chance d’habiter si près d’un aussi bel endroit ! Profite-en, ne reste pas enfermée chez toi ! », me répétait-elle, de sa voix enjouée, si particulière.
 Couchées sur nos serviettes, nous profitions de la vue ensoleillée, quand je t’aperçus. Toi, tes mèches blondes, ton corps, ton regard. Mon regard était volé par ta personne, mes yeux encrés dans les tiens, abysses noires. Je suis restée longtemps dans cette position, sans penser à autre chose que cette vision. Je ne réagissais pas aux appels de ma voisine, obnubilée par toi. Tu étais si beau ! J’étais dans un rêve éveillé, je ne pouvais pas bouger.
 Elle criait à présent. Une fois sortie de ma bulle, elle m’apprit qu’une fête se déroulerait le soir même sur la rive, et elle quémandait ma présence. Quelle fut ma joie ! Si seulement je pourrais te revoir… Guidée par mon espoir, je lui avais assuré ma présence rapidement. Sur son visage se lisait l’étonnement, en effet, je n’allais jamais aux fêtes auparavant. Mais elle ne posa pas de questions.
 Quelques heures plus tard, nous nous rendîmes à la plage, habillées et maquillées. Minuit était déjà passé, emportant avec lui toutes mes peurs. J’épousais du regard tout le sable, mais point de trace de toi. Déçue, je me rendis au bar, seule, en effet ma voisine s’était éclipsée je ne savais où. Je levai le regard pour recevoir ma commande, et m’immobilisai. Non, impossible. Et pourtant, ce regard foncé, ces cheveux… C’était toi.
 Nous fîmes connaissance pendant de longues minutes, jusqu’au moment où tu m’invitas à danser. Je m’élançai alors sur la piste, te tirant par le bras. Le temps défila si vite, je ne le voyais plus passer, collée à toi.
 Tu m’avais emmenée alors près de la mer, à ton repaire. Nous grimpâmes de grands rochers, m’aidant de ton bras quand la tâche devenait ardue. Arrivés en haut, ma vue fut happée par l’extraordinaire vue. Le lever de soleil était impressionnant, rempli de nombreuses couleurs. L’aurore, magnifique. Nous nous assîmes, soudés par ce moment magique.
 Je m’en souviens par cœur. Tu me tenais le menton, pupilles dans pupilles. Tu t’es avancé, nos lèvres se sont touchées, puis entrouvertes. Ta main s’est posée sur ma nuque, la mienne dans ton dos.
 Mon premier baiser. Ce jour, je m’en souviendrai toute ma vie.