[maeleo & Miss_Cupcake] La Loi de la jungle

C'était lundi matin la pire journée de la semaine ; il fallait se lever, se préparer à aller dans cet endroit, si terrible pour certains le lycée. Pour Bea, le lycée évoquait plus solitude, ennui, exclusion, que joie, amis, et travail.

Chaque jour de la semaine était une épreuve pour elle, et le lundi encore plus car elle profitait toujours à fond de son week-end. Elle essayait d'arriver le plus tôt possible le matin pour ne pas avoir à passer par les couloirs remplis de monde. Hélas, certains matins, elle n'avait pas de chance, et elle devait marcher devant tout le monde, elle sentait leur regard sur elle, et elle entendait les moqueries parfois, pour ceux qui n'étaient pas discrets. A chaque fois, une boule se créeait dans son ventre, il se nouait, elle se sentait mal, et marchait le plus vite possible jusqu'à sa salle. Les cours passaient relativement vite, dépendant des matières, des journées... Mais arrivait le pire moment de la journée, le déjeuner. Elle habitait trop loin du lycée pour rentrer chez elle, et ne pouvais pas sortir tous les midis, elle était obligée d'aller à la cantine. Elle faisait la queue, seule, sans personne pour lui tenir compagnie, elle entendait les autres rire, discuter de tout de rien.

Elle aurait donné n'importe quoi pour avoir une personne, une seule à qui parler. Elle aurait tout donné pour que tout le monde arrête de se moquer d'elle, de son style atypique. Elle n'aimait pas adopter les codes de la mode que tout le monde aimait, est-ce pour autant un défaut ? Une raison pour devenir le punching ball de tout un lycée ? Non, et elle le savait au fond mais que pouvait-elle faire ? Rien. Chaque jour elle se disait "Demain, tu en parleras" mais aucun mot ne sortait de sa bouche quand elle essayait ...

Chaque jour, elle vivait donc moqueries, blagues, rires derrière son dos, solitude à longueur de journée. Certains lui parlaient avant, mais ils ont arrêté quand ils ont vu que personne ne venait vers elle, après tout c'est mieux de suivre le mouvement, on s'assure de la "popularité"... Quel mot atroce ! Après tout c'est quoi la popularité ? Rien. Un simple mélange de choses futiles qui font rêver.. Mais après tout, est-ce que la popularité est d'être très vaguement connu de tous, d'être reconnu par tous les élèves et plus ou moins apprécié ? Ou est-ce que c'est avoir de vrais amis, même très peu sur qui on peut compter ?

Cette question se posait chaque jour dans la tête de Bea, elle connaissait la réponse, mais n'osait jamais le dire tout haut à tous ces gens.

Non loin des toilettes du troisième étage, un vulnérable être était recroquevillé sur lui-même, les larmes dévalant ses yeux rougis, lavant son visage ensanglanté. Là où il était, personne ne pouvait le voir, ni l’entendre, il était terré dans son abri. Ils étaient partis, ils ne lui feraient plus de mal, tout du moins pour cette fois. Parce qu’ils allaient revenir. Ils revenaient toujours, en meute, toujours plus imposante et terrifiante, contre lui, solitaire et de plus en plus faible et impuissant après chaque coup.

Depuis toujours, ça durait, et toujours ça durera. Il n’était pas fait pour cette jungle qu’était la société, qu’était le lycée, il n’y avait pas sa place, et il en payait le prix. Chaque être différent était catalogué, rejeté, humilié. Suivre ou mourir.

L’être humain déteste la différence, idole la normalité. Lycée, ville, travail, famille, sois normal, suis les autres et on t’aimera. Sors des règles, aies une personnalité, des goûts différents, et tu seras anormal, une anomalie, une chose à détester et à détruire.

Il se leva, difficilement, les coups avaient été plus durs cette fois-ci.

Ils ont peur.

Il s’approcha du miroir, tu te vis.

Ils ont peur, peur de toi.

Sois différent, ce sera ta force. Subis, subis les moqueries, subis les coups, subis l’horreur, la solitude, subis cette loi du plus fort. Subis, tu en seras plus fort. Lorsque tout tombera autour d’eux, lorsque les modèles ne seront plus rien, les autres aussi, mais toi, toi, tu resteras droit. Ce n'est pas toi le faible. C'est eux.

Ils ont peur.

Ils ont peur de toi, car tu es leur seul rival. Le seul à avoir compris, le seul qui est capable de les battre. Alors c’est toi qu’ils battent, espérant te faire taire à jamais, mais contrairement à ce qu’ils pensent, plus ils te battent et plus tu deviens fort. Ne pense pas le contraire tout comme eux. N’abandonne pas, reste ce que tu es malgré tout. Ne change pas pour devenir leur idéal. Ils ne le méritent pas.

Il se regarda dans le miroir. Son visage était boursouflé, ses yeux entourés d’une teinte violette pâle. Il pensait à ce qu’il aurait pu être s’il avait été comme tout le monde. Ce qu’il aurait pu vivre, la terreur qu’il n’aurait pas connu…

Il lui suffisait simplement de changer, jouer les hypocrites, comme tout le monde.

Toute cette souffrance, elle ne servait à rien. Les choses ne changeraient jamais.

L’être humain idole la normalité. Suis les autres et on t’aimera.

Tu abandonnes… Et tout comme eux, deviens faible. Car dans cette société, la loi du plus fort est la loi du plus faible.