[Blaz et Lydine] La salade

Alors, comme il me l'avait demandé, j'étais venu doucement me glisser à ses côtés, mes pas marqués par l'âge et par les dures années que j'avais vécues.

« Que voudrais-tu savoir ? » lui avais-je demandé, gentiment.

Il me fit un signe de tête indiquant qu'il ne voulait pas de moment particulier.

« Bien, alors, je vais tout te raconter. Tout a commencé le jour où je me suis retrouvé dans une sorte de caveau sombre. Je n'étais qu'un petit bourgeon, à l'époque. Et j'étais encore seul. J'ai vécu plusieurs journées isolé du reste du monde... C'était très dur, d'autant plus que je grandissais de jour en jour, et que je sentais que le plafond sombre au-dessus de moi allait bien céder face à ma taille... Et un jour, c'est arrivé. »

Le jeune eut un frisson à la fin de ma phrase.

« Finalement, ce fut moins dur que ce que j'avais pensé. Je n'ai même pas souffert, si mes souvenirs sont bons. Lorsque je vis enfin la clarté de l'extérieur, je fus ébloui par tant de beauté. Le vent faisait siffler les brins d'herbes -nos cousins éloignés-, et je sus presque immédiatement que j'allais adorer l'endroit. Et, en effet, au fil des jours, je continuai certes de grandir, mais je n'étais plus seul. Car la graine qui m'avait enfanté avait aussi donné d'autres feuilles, toutes différentes. Et, au fond, je dois avouer que ça m'a beaucoup aidé. Et puis, un jour, comme tu le sais sans doute, j'ai été arraché à ma nouvelle famille par des barbares géants. Ils m'ont ensuite ramené, avec plusieurs membres de mon ancienne « colonie », les plus verts. »

Le petit grogna avec douceur, comme si je le berçai avec mes mots, et qu'il faisait un cauchemar, qu'il imaginait ce que je disais. Il avait déjà connu les fameux géants, et lui aussi avait été arraché à sa famille, tout comme moi.

« Calme-toi, calme-toi, ce n'est rien. Au final, j'ai bien vécu cette situation, aidé par les autres, ceux que je connaissaient et ceux que j'ai appris à connaître. Mais, malheureusement, comme tu peux le voir, le vent m'a emporté. Ce jour-là avait été très venteux, et les barbares ne nous avaient pas recouvert de leur drap, qui faisait en sorte qu'on ne parte pas au loin. L'air sifflait dans mes oreilles, me faisait voler, et j'avoue ne jamais avoir connu pareille situation... Puis, j'ai atterri dans ce terrier de monstre à grandes oreilles abandonné, et j'ai réussi à m'en sortir, malgré la solitude et les géants... Et tu es arrivé. »

La jeune pousse fit une sorte de sourire. Il était, lui aussi, je l'imaginai, heureux de ne plus être seul au monde. Et, même en étant un parfait optimiste, à la vie pas forcément rose cependant, je dus avouer que sa venue était le meilleur moment que j'eus vécu depuis bien longtemps.