La galerie de Py

Chère Bernadette,

Vous avez toujours été là pour David et moi. Je ne compte plus les soirées où rentrant fourbus du travail, nous n'avions qu'à mettre les pieds sous la table pour déguster un de ses petits plats préférés dont vous avez le secret. Je n'oublierai jamais tous ces week-ends reposants, passés à ne rien faire dans votre maison de Dordogne. Et je me souviendrai toujours de l'immense surprise que nous avons eue, David et moi au retour de notre unique voyage en amoureux: en une semaine, vous aviez réussi l'exploit de changer toute notre décoration intérieure. Quel extraordinaire voyage dans le temps avons-nous fait grâce à votre goût sûr en matière d'antiquités! Et quelle riche idée d'avoir disposé ça et là des portraits de vous! Auriez-vous peur qu'on vous oublie, chère Bernadette? Voyons, c'est impossible! Quand bien même le voudrions-nous, nous ne le pourrions pas.

Comment vous remercier pour les précieux conseils que vous m'avez prodigués au cours de ces longues années? Grâce à vous, je sais comment être une parfaite mère épouse pour David, sauf en ce qui concerne les relations intimes, bien sûr, votre pudeur et votre délicatesse naturelles vous ayant simplement autorisée à m'enseigner que là n'est pas ce qui cimente un couple.

Oui, comment vous remercier? Je me suis longtemps interrogée sur la meilleure façon de vous rendre la pareille. Cela m'a demandé du temps (vous l'avez souvent remarqué, mes capacités de réflexion laissent à désirer) mais j'ai fini par trouver LE cadeau idéal pour vous.

Au cours de ces soirées où, un verre à la main, vous nous contiez des heures durant votre merveilleuse vie, j’ai compris que vous aviez sacrifié vos plus grands rêves pour accomplir votre devoir de mère et veiller au bonheur de votre descendance. Il  est grand temps que vous pensiez à votre propre bonheur! C’est pourquoi nous vous offrons … un tour du monde de deux ans! C’est votre plus grand rêve, paraît-il. Europe, Afrique, Asie, Océanie, Amérique! Tout est organisé, les chambres d’hôtel, les billets d’avion sont réservés!

Votre bonheur fera le nôtre, soyez rassurée!

Joyeux Noël, Bernadette!

Bien caché derrière un arbre, ça fait un moment que je me dévisse le cou pour l’observer. La tête haute, l’allure fière, il parade sur sa branche depuis qu’il y est perché. Non mais, il se prend pour le Roi de la forêt ou quoi ? J’aime pas les créatures hautaines, j’ai jamais aimé ça. J’ai bien envie de lui rabattre son caquet, tiens ! Grand-mère s’rait pas trop d’accord, c’est sûr, je l’entends d’ici me dire « ne t’approche pas de ces oiseaux, ils annoncent le malheur ! ». Oui, mais bon, moi, j’suis pas superstitieux et puis pas question d’être effrayé par une bestiole à plumes, aussi noires et luisantes soient-elles. Qu’est-ce que je pourrais bien inventer pour le faire descendre du piédestal qu’il s’est construit, çui-là ? Qu’est-ce que je vais bien pouvoir tirer de mon sac à malices ?

Oh, tiens, mais qu’est-ce qu’il fait maintenant ? Qu’est-ce qu’il tire avec son bec ? Un fromage ???!!! Il a rapporté et planqué un fromage dans l’arbre ???!!! Oh, belle trouvaille, je le reconnais, c’est un sacré fromage que tu tiens là, mon gaillard ! Mmmmhhh … et qu’il sent bon ! Me voilà par l'odeur tellement alléché que j’en ai les narines et surtout les papilles toutes frétillantes !

Ah, mais, je comprends, c’est à cause de ce gros fromage qui tient à peine dans ton bec que tu fais le beau, que tu te sens si important, si puissant !  Je l’ai déjà dit, j’aime pas les créatures hautaines mais en plus, j’ai faim ! C’est pas d’bol pour toi, l’ami ! Ca me fait deux bonnes raisons de te jouer un de mes tours. Ne bouge pas surtout, laisse-moi un peu de temps pour réfléchir



J’ai trouvé ! Je vais te caresser dans le sens de la plume, te servir mes plus belles phrases, mon gaillard et foi de renard, c'est moi qui mangerai le fromage, ce soir ! J’arrive !!!




La suite, logiquement, vous la connaissez