Assis dans mon siège, j’attendais que le prochain couple vienne. La pièce mal-éclairée dans laquelle je me trouvais faisait vide : généralement, pas plus d’un rendez-vous par jour. Je me trouvai alors des occupations : j’avoue que par ce temps j’adorais regarder les dossiers des patients et leurs problèmes dans leurs vies amoureuses. Cela m’aidait à faire passer le temps, qui parfois semblait long, très long.
J’entendis toquer. Je rangeai hâtivement les dossiers en les fourrant dans les tiroirs de mon bureau, et je les vis entrer. Un jeune homme et une jeune femme, encore ce genre de couple qui parce qu’il a un peu d’argent et qu’il a des problèmes me consulte. Je les fis s’assoir sur les fauteuils. A peine eu-je le temps de les saluer que la demoiselle m’assaillait déjà de questions : « Pourquoi ne m’aime-t-il pas ? Pourquoi va-t-il en voir une autre que moi ? Pourquoi rentre-t-il tard le soir ? Pourquoi ne m’écoute-il jamais quand je parle ? » Et je me voyais lui dire de le laisser respirer, de lui laisser un peu de liberté, de lui laisser choisir la vie dont il avait envie, de lui laisser choisir ce qu’il voulait faire de son temps libre. Mais je ne permis pas. Alors j’écoutais ses piaillements de femme jalouse, qui parce qu’elle ne contrôle pas tout dans la vie de son couple, se voit d’hors et déjà mise sur la porte et larguée pour une autre « pouffe aux gros melons » comme elle les appelle alors que cela ne fait que quelques minutes qu’ils sont assis dans mon bureau. Pour éviter de m’endormir devant ce monologue, je me levai et m’approcha du couple en furie.
J’expliquai alors à la demoiselle de laisser un peu plus de responsabilité et de libertés à son copain. Je parlai encore pendant quelques minutes, mais la fillette avait l’air de s’être calmée après mes paroles. Alors je leurs prescris un nouveau rendez-vous, et les mis à la porte. Quel talent de résoudre les problèmes. La fin de la journée sonnait pour moi. Je rentrai donc chez moi, harassé par ce couple, qui m’avait fait perdre toute mon énergie accumulée pendant les heures de travail avant qu’ils n’arrivent.
Arrivés chez moi, je me jetai dans le canapé, et alluma la télé. Je me pris une bière, et commença à zapper les émissions de télé, plus ennuyantes les unes que les autres. J’entendis ma propre femme rentrer, mais je ne bougeai pas, par pure fatigue. Elle s’approcha de moi, et quand elle m’embrassa, je daignai à peine tourner ma tête. Alors elle commença à crier que je ne prenais pas assez soin d’elle, que je ne faisais rien de mes journées, que je passais mon temps à fumer, que quand je rentrais que me jetais sur le canapé et que je ne faisais rien d’autre pour l’aider dans ses tâches domestiques. Mais cette scène là, c’est le genre de situation que je règle tous les jours au bureau : je savais quoi faire dans ses cas là. Je me levais sans la regarder, et je dis « Je vais dans un bar ». Elle s’énerva d’autant plus que c’était la première fois que je lui adressais la parole. Je traînai donc dans les rues, tel était mon plan quand ma vie de couple va mal. Quand vins l’heure du dîner, je rentrai chez moi, les bras ballants et une cigarette à la bouche. J’ouvris la porte, et je vis ma femme assise dans le canapé, le visage mort d’inquiétude. Quand elle me vis dedans, elle se jeta à mes bras, s’excusant de tout le mal qu’elle m’avais dit, qu’elle ne le pensait pas et que si elle avait prononcé ces horreurs, c’était à cause de son travail, qu’elle pensait peut-être arrêter pour mieux s’occuper de moi. Je m’assis dans le canapé, sans aucune moue ni aucune parole, et ralluma la télévision. Un sourire malsain se dessinait sur mon visage : encore une fois, j’avais réussi à régler les problèmes d’un couple.