La Galerie de Morgane

C'était un vendredi d'automne. Cet après-midi avait lieu l'enterrement de la doyenne du village, Louise. 
C'était une femme très gentille et appréciée de tous, il n’était donc pas surprenant de voir que la majorité des habitants du village avaient répondu présents afin de lui rendre un dernier hommage.
Les obsèques se déroulèrent dans le cimetière situé à la sortie du village. Elles étaient accompagnées d'un temps maussade, froid, humide et triste. Les gens étaient tous vêtus de noirs, et on pouvait distinguer sur quelques joues des larmes ruisselantes qui se mêlaient à la pluie tombante.
C'est alors qu'un vieil homme s'avança vers le cercueil, et prit la parole :

« Oh, mon amour …
Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour
De l'aube claire jusqu'à la fin du jour
Je t'aime encore, tu sais je t'aime »

Il déposa alors une rose rouge sur le cercueil, celui-ci fut peu à peu recouvert d'un lit écarlate. Puis tout le village observa une minute de silence.
Chacun des invités vint alors étreindre le triste veuf et quitta le cimetière.

Lorsque les funérailles furent enfin terminées, il ne restait plus personne. Sauf le vieil homme qui était toujours là. Le cercueil était désormais enseveli sous une couche de terre fraîche surmontée d'une plaque de marbre vert. Il s'allongea sur le sol humide et contempla le ciel devenu sombre et étoilé, il faisait nuit …

«Ma Louise, ce soir je ne veux pas rentrer chez nous. De toute façon, je sais que je ne dormirais pas. 
Tant de choses me ramènent à toi, chaque souvenir de toi hante mon esprit. Depuis que tu es partie, les insomnies rythment mes nuits …

Lundi soir, le jour de ton départ, je suis resté assis dans la cuisine près du comptoir. 
Je m'étais souvenu de ces délicieux repas que tu préparais avec amour.
J'avais encore le goût  de tes lèvres sur les miennes que tu déposais tous les soirs après chaque dîner , juste avant que nous allions nous coucher. 
J'ai passé une nuit blanche dans le noir …

Mardi soir, je me suis installé dans le Rocking-chair du salon au coin du feu. 
j'ai regardé toutes ces magnifiques photos de toi emprisonnées dans cette vieille boîte dorée.
Même sur ces vieux clichés en noir et blanc, je voyais toujours tes grands et jolis yeux bleus. 
Je n'ai dormi qu'un tout petit peu …

Mercredi soir, je me suis enfermé dans la salle de bain. 
Derrière la porte était accrochée ta robe de satin.
Elle sentait ce doux et chaleureux parfum à l'odeur Jasmin que tu mettais chaque matin. 
Je suis resté éveillé jusqu'au lendemain …

Hier soir, je me suis allongé sur le lit douillet de notre chambre, immense et vide désormais.
J'ai entendu ta voix qui me disait :

'' Oh, mon amour …
Mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour
De l'aube claire jusqu'à la fin du jour
Je t'aime encore, tu sais je t'aime ''

Toute la nuit, c'est à toi que je pensais …

Ce soir, je veux rester ici tout près de toi. J'aimerais tant pouvoir de toucher une nouvelle fois, je voudrais encore dormir avec toi une dernière fois ... »

Un léger vent parcouru alors tout son corps, il sentit ses doigts s'entrelacer dans une  main qu'il ne pouvait voir. L'homme esquissa alors un sourire timide, ferma les yeux et s'endormit d'un air serein.

Le lendemain matin, il se réveilla et dit à sa promise :

« Ma chère et tendre Louise, il y avait si longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi.
Ce soir, peu importe le temps qu'il fera,  je reviendrais, ainsi que toutes nuits d'après. 
Et ce, jusqu'au moment où enfin je dormirais près de toi pour toujours. Mes insomnies auront disparu pour l'éternité … »