[Votes] Le rêve

 J'entrai alors, avec quelques appréhensions, dans la pièce, gardée par une porte en bois, de chêne je suppose. Une petite plaque noire, comme chaque semaine ornait la barrière, Dr Durand, je poussai donc et me dirigeai comme d'habitude sur le fauteuil de cuir noir en face du bureau.

 « Alors, David , qu'avez-vous à dire cette fois ?
Eh bien, je fais des rêves, des cauchemars...
Parlez-m'en !
Eh bien, quelques éléments varient mais, l'idée reste la même. Je me réveille, dans mon rêve, dans une chambre, dans un grenier sans doute, il fait froid. Nous sommes en hiver, janvier, peut-être février. J’eus fait un cauchemar, toujours dans mon rêve et je m'approche donc de la salle de bain pour me débarbouiller le visage. Je sens alors, mon cœur s’accélérer,
il bat plus fort comme attiré par quelque chose. Ignorant comme l'appel à une chose inconnue, je décide de me rincer le visage pour me changer les idées. C'est là que les choses prennent une tournure étrange, dans mes mains, non de l'eau, du sang . Je veux échapper un cri mais, il ne vient pas de moi mais, d'une jeune femme. Je me retrouve alors comme propulsé dans un autre endroit, hangar désaffecté je dirai, la saison semble avoir changé, nous sommes en automne. La femme, celle qui avait crié est devant moi, assise, que dis-je ligotée sur une chaise. Elle hurle, se débat comme si elle voulait partir mais ne peut pas. Elle me regarde, me parle mais pas de sons ne sortent, je n'entends d'elle que des cris qui résonnent dans ma tête. Ma vision devient flou, trouble, j’apparai dans la salle de bain de la dernière fois, toujours en hiver. L'appel, je l'ai identifié, il provient de la salle de bain, je tire alors le rideau de la douche. Dans la baignoire, gît ensanglantée la jeune femme. Elle est morte, je le vois et pourtant elle me fixe comme si j'étais le responsable. J'ai alors honte de moi, je me regarde dans le miroir, pour voir le monstre que je suis. Je hurle alors, pas pour ce que j'ai fais non mais parce qu'une douleur provenant de mon dos me déchire en deux. Elle est telle que m'attrapant à l'évier pour compenser ma douleur, je le cassai en deux. Je me fixe de nouveau dans le miroir, mon dos, plein de sang, mon dos, avec deux grandes ailes noires, deux puissantes ailes noires. Que suis-je devenu ? Je détruis le miroir pour ne plus m'observer mais, il ne se fend pas, ne se casse pas. Mon poing en reste pourtant teinté de rouge. Je me sens coupable de rien et alors je veux plus... Je veux tuer, je veux ressentir la douleur des autres. J'enchaîne meurtre et meurtre, sans aucun remords.
Bien je vois et la jeune femme ensanglantée, vous la connaissez ?
C'est ma sœur...
Ah, c'est troublant. Avez-vous eu des différends avec votre sœur auparavant ?
Pas vraiment...
Bien je vois, écoutez, on se revoit la semaine prochaine ?
Oui... »

 Je ressortis, enfin, de ce bureau qui m'étouffait au plus au point. Parler de ce cauchemar ne me fit ni bien ni mal. Je restais impassible comme à mon habitude. Une fois rentré chez moi, je m'affalai sur le lit, cette séance m'avait épuisé.

 J'allai alors me coucher et passai à la salle de bain, je me débarbouillais le visage, me regardais dans le miroir, me recoiffais un peu, tirais le rideau de douche et posai ma main sur le front de la jeune blonde, ma main, se peignit de rouge, de sang. Je la fixai, elle qui me souriait :

 « Bonne nuit sœurette ! »

- Il était une fois, dans un ancien royaume, une jeune femme amoureuse du roi. Mais elle n'avait rien d'une reine, malheureusement. Elle était mariée à un jeune homme ingrat qui l’empêchait de sortir de chez elle.
- Il est méchant ! Intervint ma petite Charlène, comme elle avait l'habitude de faire.
- Oui, il était très méchant. Mais la jeune femme, qui s'appelait Claire...
- C'est beau !
- Oui, c'est très beau ma puce. Claire décida de ne pas se laisser faire. Dans une petite pièce qu'elle choisit comme atelier, elle commença son travail. Elle sortait la nuit, passait chez le fleuriste qui lui donnait tout ce dont elle avait besoin et elle rentrait discrètement. Chaque jour, son travail avançait de plus en plus et chaque jour Claire l’exécutait avec plus de passion que la veille.
- Mais tu n'a pas dis c'est quoi !
- Arrête de m’interrompre Charlène, ça vient juste après. Au bout d'un mois, Claire arriva enfin à un résultat parfait... une potion de sommeil « suffisante pour endormir toute la ville ».
Claire versa une toute petite goutte dans le verre de son mari, qui suffit au mari pour tomber dans un profond sommeil, laissant Claire libre de sortir de la maison quand elle le souhaitait.
Enfin, elle put voir les rues agitées, et les gens se bousculer sur le chemin du travail. Claire s'engagea un peu au hasard, « la ville la nuit n'est pas du tout la même que le jour ! » pensa t-elle, se perdant dans les rues. Elle entra dans un bar. « Cet endroit est parfait » pensa t-elle. Elle déposa quelques gouttes de sa potion dans chacun des verres des clients. Aussitôt, tous plongèrent dans leurs rêves. Claire fut émerveillée par la puissance de son somnifère, et eu une idée...
- C'est quoi, somnifère ? Demanda Charlène d'une voix ensommeillée.
- Qui fait dormir, ma princesse. Claire se dit, que si elle endormait toutes les jolies filles du royaume, alors ils ne resterait qu'elle, et le roi se devrait de l'épouser.
Une à une, toutes les jeunes filles du royaume s'endormirent à jamais, laissant tous les habitants restés totalement impuissants. Le roi tomba alors amoureux de Claire, et ils se marièrent devant un tout petit public, composé d'hommes, de servantes et d'enfants. Personne ne découvrit le secret de Claire, qui continua d'endormir petit à petit toute la contrée, pour qu'elle et le roi vivent seuls, dans un cocon d'amour. La ville était proie à beaucoup de rumeurs. Une ville où seul un roi et une reine restaient éveillés, cela paraissait horriblement suspect. Le roi devenant de moins en moins aveuglé par son amour pour Claire qui disparaissait au fil du temps.
- Claire ? Dit Charlène, yeux clos.
- Non, l'amour. Le roi trouva alors la potion de Claire. Furieux d'avoir vécu dans un rêve aveugle si longtemps, il courut la trouver pour des explications. Claire tenta de le calmer mais, il n'en fut rien. Et par un geste maladroit, le roi renversa la potion... les deux dernières personnes encore « vivantes » du royaume tombèrent elles aussi dans ce coma. La ville devint fantôme, et hanta nombre de légendes et contes populaires.
On raconte, qu'encore aujourd'hui, cette ville attend que son maléfice soit brisé pour que les habitants renaissent.
Peut-être toi, ma chérie, arriveras-tu à briser ce sort ?
En attendant, bonne nuit ma puce.