Alors que j'étais devant mon écran comme d'habitude, en ce chaud jeudi de printemps, j'ai décidé de faire le point sur
ce qui a pu se passer. J'ai eu raison d'aider Jeanne Lantener, elle fut ma porte de sortie de ma relation houleuse avec
Marc Crozier. Comment ? Simple. Y'a un peu plus de 10 ans, elle était tout comme moi au début, une stagiaire à l'accueil.
Et qui comme moi a succombé aux avances du patron. Elle tomba enceinte, mais étant dans une famille assez croyante,
elle décida de le garder. Le petit Joël est le portrait craché de son père, sauf qu'il est châtain au lieu d'être brun. Voir ce
garçonnet me brisa en 2, il avait besoin de son père et Jeanne avait besoin de pension alimentaire. En effet elle a perdu
son compagnon d'une longue maladie. Bien sûr il n'était que question pour Joël de passer du temps avec son père.
Elle n'allait pas vivre avec lui, elle le connait trop. Ce fut donc plus facile pour moi de rompre, je ne voulais pas être
un obstacle à cette famille décomposée. Ce fût difficile pour lui, Marc me jurant que cela ne l'empêcherait pas de m'aimer.
En même temps, il y a eu quelques changements dans la boite. Monica, la belle-soeur de Laurent gère la compta et la
direction. Pourquoi ? Vous le saurez bientôt. Stéphane Garnier le nouveau technicien s'est installé dans le bureau du
fond retapé. Il est sympa mais un peu ennuyant. En revanche il est au gout de JLL. Pendant ce temps une nouvelle
hôtesse d'accueil a été recrutée, elle ne vit que pour les toutous. Mélissa n'a que son plan de mariage en tête, elle
souhaite prendre un appartement plus grand ou une maison pour y fonder un foyer avec John. Et me voilà donc devant
cet écran, c'est mon avant dernier jour de travail. D'un coup, c'est le déclic voilà ce que j'attendais depuis longtemps.J'aurais dû y penser plus tôt, j'aurais bouclé la boucle plus vite... Allez respire, reste calme.- Allô ?
- ....
- Ah... c'est toi. ça va ? Je te dérange pas ?
- ....
- En fait j'aimerais passer j'ai quelque chose à remettre.
- ....
- Ah c'est gentil, d'accord, bon bah rendez-vous au Café Roma dans 20 minutes.
- ...
- A tout à l'heure au revoir.
J'avais pas prévu ce cas de figure... Tant pis, fais-le quand même et après tu aviseras.- Anna ? Mais où tu vas au beau milieu de l'après midi avec tes affaires ? C'est dema...
- Je... je vais rencontrer mon Destin.
- C'est pas vrai, enfin tu oses !? Bravo, je suis fière de toi.
- Merci, je sais pas quand je vais revenir donc à demain.
- Bonne chance Anna, je penserais très fort à toi en croisant les doigts !
- TAXI !- Ouais c'est ça snobe-moi ! J'm'en fous je vais prendre le métro c'est plus écolo !
Comme d'habitude, tu mets de nouvelles chaussures le jour où tu as un peu de marche à faire. On ne te refera pas hein ?
Curieusement, même s'il fait particulièrement beau et chaud pour cette saison, j'en ai des sueurs froides...Elle ne devrait pas tarder...- Anna ?
- C'est bien tu as pris une table au soleil,
j'ai envie de bronzer justement, dans mon bureau ça ne risque pas.
- Salut Delphine, ça fait longtemps.
- Alors c'est quoi que je dois prendre ? C'est dans ta super sacoche tendance en 1987 ?
- Oui c'est un ordinateur portable.
- Pourquoi ?
- Eh bien, Damien me l'avait donné, et comme c'est un ordinateur perso,
autant lui rendre il pourra en faire ce qu'il veut.
- Hum, vu comme il est vieux, il ne va pas servir
à grand chose, tu sais on a du bon matos.
- Bon tu peux me virer ce truc de là, ça ne sera pas pratique
pour prendre nos commandes.
- ah oui désolée, enfin maintenant tu l'as vu.
- De toute façon, j'en ai plus besoin, j'arrête demain soir.
D'ici-là je fais du classement et je rangerai mes affaires.
- Oh tu quittes aussi la boite ?
[10 MINUTES PLUS TARD]
- ... Marc a besoin de temps pour s'occuper de son nouveau fils,
je ne pense pas être compatible dans le rôle de la belle-mère de 14 ans de plus.
- Hum, quelle heureuse surprise que cette femme et son fils arrivent, n'est-ce pas ?
- Tu peux comprendre tu as fait pareil avec Laurent pour qu'il retrouve son fils David.
Tu as bien fait d'ailleurs. Il a eu une crise cardiaque y'a 1 mois. Du coup, il est plus
ou moins convalescent, alors il prête les rênes à sa belle-sœur, son ex femme et
apprend le métier aussi à son fils, il va avoir 19.
- Hum, quel joli portrait de famille... David m'a toujours haïe, mais bon
je lui souhaite bonne chance dans cet univers de requins.
- D'autres choses ont changé à Sanzenin et Associés ?
- Hum, le nouveau technicien Stéphane. Il bosse bien, je crois qu'il développe
dans son coin un jeu video, il est en freelance avec d'autres boites.
- Attends, revenons à Marc... quand avez-vous rompu ?
- Cela va faire 3 semaines... c'est assez cauchemardesque il me faisait des cadeaux
tous les jours, me suivait le soir. Il refusait même ma démission.
- Hum, Laurent a déteint sur lui, romantique à souhait le harcèlement non ?
- Quelle horreur ! Il a aussi été violent.
- Comment ça ? Il t'a frappée ?
- J'ai pratiqué quelques sports de combats... enfin tu le sais.
- Oui me rappelle de ma dérouillée dans mon propre bureau.
- Oui mais un homme c'est plus fort que toi et plus sournois.
Il m'a un soir attrapée et m'a presque tordu le poignet pour que j'avoue que Joël
n'était qu'un prétexte pour que je le quitte pour un autre.
- C'est curieux qu'il ne l'ait pas vu que tu en aimais un autre, non ?
- J'ai tout fait pour le rassurer cependant avant. Mais j'avais pas envie de le confronter.
Si JLL n'était pas passé juste-là pour nous séparer, j'aurais une atèle maintenant.
- Anna, les hommes ne sont pas tous comme cela, mais quand tu as affaire
à un monstre tu dois te défendre ou porter plainte. Mais j'ai été aussi lâche que toi...
Laurent m'a plusieurs forcée...
- Tout ce que je veux c'est me libérer de son emprise rapidement.
- En tous cas, je ne voulais pas faire de scandale. Mélissa a beaucoup veillé sur moi,
je ne voulais pas que son mariage soit entaché par un procès de son patron.
Car en creusant un peu, Marc aurait eu plus qu'un blâme.
- On a un point commun Minor. On est trop bonnes, on est des saintes
pour supporter une telle injustice du pouvoir phallocrate.
- Il y a des femmes qui sont pas mal non plus
dans le rôle de monstres du bureau, ça se vaut.
- Bien... après ce lourd silence qui devient gênant,
alors toi Delphine comment ça va au travail ?
- ça roule, je vais chez les clients pour des missions ponctuelles :
déclarations de la femme de ménage, prédispositions de partage des comptes
pour des divorces, avis d'impôts, pour les boites c'est les fiches de paye à réaliser.
- Et l'amour ?
- Bleeh Anna, tu nous fais quoi ? Avec Laurent c'était pénible alors je ne vais pas
me jeter sur le premier venu. En plus j'ai eu des clients qui m'ont déjà proposé une
prime spéciale si je... bossais allongée dans le lit de leur femme, donc eurk !
- Charmant.
- Bon et toi, si tu quittes la boite, que vas-tu faire ?
- Aucune idée, c'est ça qui est drôle. Je ne peux pas avoir de lettre
de recommandation, Marc à défaut de m'empêcher de trouver du boulot
ailleurs s'est arrangé pour que Laurent n'en fasse pas.
- Méfie toi, l'heure tourne, tu n'as pas une si grande expérience, ni de projets,
tu auras toujours un appart à payer.
- Oui, sinon je déménagerais ailleurs pour trouver ça dépend de plusieurs paramètres.
- Pas facile Minor de revenir à la case départ, hein ? J'ai aussi eu cette impression.
- Que veux-tu dire ?
- J'avais l'impression de tout connaitre et d'être blasée. Mais la vie peut vous
surprendre. Les gens peuvent encore vous surprendre. J'essaie de changer. Mais j'ai
par exemple toujours cette fâcheuse tendance à aller vers les mauvaises personnes,
et les types bien quand je les trouve... ils sont déjà pris c'est pas faute d'avoir essayé.
- Hein mais qu'est-ce que tu essaies de me dire ?
- Rien Anna, bon il est tard, je vais rentrer au bureau et déposer ton truc.
A un de ces 4 Minor, ici ou dans une autre vie.
- Attends j'ai une idée, et si je t'accompagnais, on va se partager un taxi ! Taxi !
- Ce n'était pas nécessaire... enfin bon, si tu veux...
Mais Damien est en déplacement pour la journée.
[10 MINUTES PLUS TARD]
- C'est au croisement, on n'est plus très loin.
- C'est un coin pas mal ici.
- Minor il fait 25°c pourquoi tu portes encore un blouson ça fait tarte.
- Tes piques ne m'ont pas manquée, juré.
- Oh c'est sympa ici, et climatisé !
- Hum si tu t’extasies sur le couloir,
je me pose des questions pour le bureau... Allez, entre.
- Quoi ? Mais...